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appareiller. Ses papiers, connaissement, charte-partie, police
d assurance, étaient en règle, et, deux jours avant, le courtier de
la maison Kolderup avait envoyé les dernières signatures.
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Ce jour-là, un grand déjeuner d adieu fut donné à l hôtel de
Montgomery-Street. On but à l heureux voyage de Godfrey et à
son prompt retour.
Godfrey ne laissait pas d être assez ému, et il ne chercha
point à le cacher. Phina se montra plus ferme que lui. Quant à
Tartelett, il noya ses appréhensions dans quelques verres de
champagne, dont l influence se prolongea jusqu au moment du
départ. Il faillit même oublier sa pochette, qui lui fut rapportée
à l instant où on larguait les amarres du Dream.
Les derniers adieux furent faits à bord, les dernières
poignées de main s échangèrent sur la dunette ; puis, la
machine donna quelques tours d hélice, qui firent déborder le
steamer.
Adieu ! Phina.
Adieu ! Godfrey.
Que le Ciel vous conduise ! dit l oncle.
Et surtout qu il nous ramène ! murmura le professeur
Tartelett.
Et n oublie jamais, Godfrey, ajouta William W. Kolderup,
la devise que le Dream porte à son tableau d arrière : Confide,
recte agens.
Jamais, oncle Will ! Adieu, Phina !
Adieu ! Godfrey.
Le steamer s éloigna, les mouchoirs s agitèrent, tant qu il
resta en vue du quai, même un peu au-delà. Bientôt cette baie
de San Francisco, la plus vaste du monde, était traversée, le
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Dream franchissait l étroit goulet de Golden-Gate, puis il
tranchait de son étrave les eaux du Pacifique : c était comme si
cette « Porte d or » venait de se refermer sur lui.
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VI
Dans lequel le lecteur est appelé à faire connaissance
avec un nouveau personnage
Le voyage était commencé. Ce n était pas le difficile, on en
conviendra volontiers.
Ainsi que le répétait souvent le professeur Tartelett, avec
une incontestable logique :
Un voyage commence toujours ! Mais où et comment il
finit, c est l important !
La cabine occupée par Godfrey s ouvrait, au fond de la
dunette du Dream, sur le carré d arrière, qui servait de salle à
manger. Notre jeune voyageur était installé là aussi conforta-
blement que possible. Il avait offert à la photographie de Phina
la meilleure place sur le mieux éclairé des panneaux de sa
chambre. Un cadre pour dormir, un lavabo pour sa toilette,
quelques armoires pour ses vêtements et son linge, une table
pour travailler, un fauteuil pour s asseoir, que lui fallait-il de
plus, à ce passager de vingt-deux ans ? Dans ces conditions, il
aurait fait vingt-deux fois le tour du monde ! N était-il pas à
l âge de cette philosophie pratique que constituent la belle santé
et la bonne humeur ? Ah ! jeunes gens, voyagez si vous le
pouvez, et si vous ne le pouvez pas& voyagez tout de même !
Tartelett, lui, n était plus de bonne humeur. Sa cabine, près
de la cabine de son élève, lui semblait bien étroite, son cadre
bien dur, les six yards superficiels qu elle occupait en abord,
bien insuffisants pour qu il y pût répéter ses battus et ses pas de
bourrée. Le voyageur, en lui, n absorberait-il donc pas le
professeur de danse et de maintien ? Non ! C était dans le sang,
et, lorsque Tartelett arrivera à l heure de se coucher pour le
dernier sommeil, ses pieds se trouveront encore placés en ligne
horizontale, les talons l un contre l autre, à la première position.
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Les repas devaient se prendre en commun, et c est ce qui fut
fait Godfrey et Tartelett vis-à-vis l un de l autre, le capitaine et
le second occupant chacun l un des bouts de la table de roulis.
Cette effrayante dénomination, « table de roulis », laissait déjà
comprendre que la place du professeur serait trop souvent vide !
Au départ, dans ce beau mois de juin, il faisait une belle
brise du nord-est. Le capitaine Turcotte avait pu faire établir la
voilure, afin d accroître sa vitesse, et le Dream, tout dessus, bien
appuyé, ne roulait pas trop d un bord sur l autre. En outre,
comme la lame le prenait par l arrière, le tangage ne le fatiguait
point outre mesure. Cette allure n est pas celle qui fait, sur le
visage des passagers, les nez pincés, les yeux caves, les fronts
livides, les joues sans couleur. C était donc supportable. On
piquait droit dans le sud-ouest sur une jolie mer, moutonnant à
peine : le littoral américain n avait pas tardé à disparaître sous
l horizon.
Pendant deux jours, aucun incident de navigation ne se
produisit, qui soit digne d être relaté. Le Dream faisait bonne
route. Le début de ce voyage était donc favorable bien que le
capitaine Turcotte laissât percer quelquefois une inquiétude
qu il eût en vain essayé de dissimuler. Chaque jour, lorsque le
soleil passait au méridien, il relevait exactement la situation du
navire. Mais on pouvait observer qu aussitôt il emmenait le
second dans sa cabine, et là, tous deux restaient en conférence
secrète, comme s ils avaient eu à discuter en vue de quelque
éventualité grave. Ce détail, sans doute, passait inaperçu pour
Godfrey, qui n entendait rien aux choses de la navigation, mais
le maître d équipage et quelques-uns des matelots ne laissaient
pas d en être surpris.
Ces braves gens le furent d autant plus, que, deux ou trois
fois, dès la première semaine, pendant la nuit, sans que rien ne
nécessitât cette manSuvre, la direction du Dream fut
sensiblement modifiée, puis reprise au jour. Ce qui se fût
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expliqué avec un navire à voiles, soumis aux variations des
courants atmosphériques, ne s expliquait plus avec un steamer,
qui peut suivre la ligne des grands cercles et serre ses voiles
lorsque le vent ne lui est plus favorable.
Le 12 juin, dans la matinée, un incident très inattendu se
produisit à bord.
Le capitaine Turcotte, son second et Godfrey allaient se
mettre à table pour déjeuner, lorsqu un bruit insolite se fit
entendre sur le pont. Presque aussitôt le maître d équipage,
poussant la porte, parut sur le seuil du carré.
Capitaine ! dit-il.
Qu y a-t-il donc ? répondit vivement Turcotte, comme un
marin toujours sur le qui-vive.
Il y a& un Chinois ! dit le maître d équipage.
Un Chinois ?
Oui ! un vrai Chinois que nous venons de découvrir, par
hasard, à fond de cale !
À fond de cale ! s écria le capitaine Turcotte. De par tous
les diables du Sacramento, qu on l envoie à fond de mer !
All right ! répondit le maître d équipage.
Et l excellent homme, avec le mépris que doit ressentir tout
Californien pour un fils du Céleste Empire, trouvant cet ordre
on ne peut plus naturel, ne se fût fait aucun scrupule de
l exécuter. Cependant le capitaine Turcotte s était levé ; puis,
suivi de Godfrey et du second, il quittait le carré de la dunette et
se dirigeait vers le gaillard d avant du Dream. Là, en effet, un
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Chinois, étroitement tenu, se débattait aux mains de deux ou
trois matelots, qui ne lui épargnaient pas les bourrades. C était
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